Médiator, onglet ou jeu aux doigts : que choisir ?

Lorsque l'on débute la guitare, on peut rapidement se sentir perdu quant à l'usage ou non d'un médiator. On voit un jour une de nos idoles en utiliser un, puis jouer aux ongles ou à l'onglet le jour suivant. C'est en fait une question de contexte musical ainsi que de goût personnel. Nous allons détailler dans cet article les principales caractéristiques de chacune de ces options.

JOUER DE LA GUITARE AVEC LES DOIGTS

LE SON

Le jeu aux ongles produit un son généralement plus doux et feutré que les autres options présentées ici. Il permet également davantage de nuances dans le jeu grâce à un contact direct avec l'instrument, ainsi que l'utilisation de la main comme d'une percussion. Il est idéal par exemple pour jouer des arpèges ou des ballades.

Ce style de jeu est principalement utilisé sur des guitares acoustiques, par exemple en musique classique, brésilienne ou gitane. On peut également le retrouver dans le jazz, le rock ou la fusion.

LES LIMITES DU JEU AUX DOIGTS

Jouer avec les ongles nécessite l'entretien régulier de ces derniers. Certains utilisent du vernis, d'autres de faux ongles et de la colle. Cela présente également certaines limites techniques : il est assez difficile de jouer rapidement sur une seule corde et cela ne permet pas d'obtenir le son percussif d'un médiator. De fait, il est bien plus dur de jouer des rythmiques types métal, ou même des cocottes funk.

^{l'utilisation de cette technique est impossible avec les ongles}

INTERVIEW SUR LE JEU AUX DOIGTS AVEC SYLVAIN COURTNEY

J'ai posé quelques questions à Sylvain Courtney, guitariste de Jazz réputé, professeur de guitare jazz aux conservatoires de Metz et Nancy ainsi que sur Hguitare.

▶︎ Pourquoi avoir fait le choix de jouer aux doigts?

En ce qui me concerne, j'ai commencé par la guitare classique. Quand je me suis mis à l'électrique s'est posé la question de l'utilisation d'un médiator. Je m'y suis essayé mais je n'étais pas à l'aise, car habitué à jouer aux doigts. Cela m'a beaucoup travaillé pendant mes premières années de guitare électrique, mais j'ai fini par conserver ma technique originelle, étant beaucoup plus à l'aise avec cette dernière.

▶︎ Trouves-tu que cela te limite sur certains aspects de ton jeu?

Quand j'ai commencé à jouer aux doigts, je n'avais qu'une seule obsession : avoir la fluidité de personnes jouant au médiator. A l'époque j'écoutais Pat Martino et d'autres. Effectivement, je trouvais qu'il y avait des choses qu'on ne pouvait pas faire aussi bien qu'au médiator, plus compliquées, comme l'aller-retour sur une corde par exemple.

A plein d'égards au départ, on peut penser que le jeu aux doigts va être limitant. Mais ce qui est paradoxal c'est que, plus tard, étant plus confirmé et ayant développé mon jeu aux doigts, la plupart des gens jouant au médiator étaient impressionnés par ma technique. J'imagine donc que jouer aux doigts développe aussi d'autres choses.

Comme toute technique, il y a des avantages et des inconvénients. Par exemple, si tu n'as pas commencé très jeune la guitare classique, tu peux être limité au niveau de la vitesse. Le jeu aux doigts oblige également à avoir des contours de ligne mélodiques différentes du médiator, de plus il y a des choses en sweeping ou en arpège que je peux faire qui sont plus facile aux doigts qu'au médiator.

▶︎ Recommanderais-tu à quelqu'un qui débute la guitare électrique de jouer aux doigts?

Etrangement non, j'ai l'impression que c'est bien pour quelqu'un ayant pratiqué la guitare classique pour ensuite se mettre à  la guitare électrique. J'aurai tendance à conseiller le médiator à quelqu'un qui débute et avec peu de technique. A moins que cette personne ait un désir affirmé de jouer aux doigts.

Cependant, tout dépend de ton style de jeu. Si tu fais du blues, tu n'as pas besoin d'une technique avancée d'aller retour.

Dans l'idiome jazz la plupart des gens jouant aux doigts sont des personnes ayant toujours joué ainsi. Par exemple, Nelson Veras qui a fait du classique ou encore le jeune italien Mateo Moncuso.

A contrario, certains joueurs de jazz ont fait de la guitare classique mais utilisent un médiator sur électrique : par exemple Pierre Perchaud qui joue maintenant au médiator alors qu'il jouait auparavant aux doigts. Il y a également l'exemple de Sylvain Luc qui utilise la plupart du temps un médiator, même s'il joue aux doigts sur certains morceaux.

LES AVANTAGES ET LES INCONVÉNIENTS

Quelques guitaristes jouant avec les ongles : Mick Goodrick, Ana Vidovic, Mateo Moncuso, Jason Vieaux, Manuel Barrueco...

LE JEU AU MÉDIATOR

LE SON

Le jeu au médiator offre un son percussif, avec beaucoup d'attaque. A l'inverse du jeu aux doigts il permet d'obenir facilement une consistance sonore, de plus il crée en moyenne un volume plus élevé. L'utilisation d'un plectre ouvre la voie à une large palette de techniques, comme le sweep picking (on "balaye" les cordes) ou encore l'aller retour (alternance de coup vers le haut et de coup vers le bas).

^{La technique du sweep picking permet de gagner en fluidité de jeu.}

^{L’alternate picking}

On l'utilisera davantage sur des guitares électriques et dans des styles comme le métal, le rock et le funk.

LES LIMITES DU MÉDIATOR

L'apprentissage du jeu au médiator peut s'avérer frustrant quand on débute, car de nombreux paramètres sont à travailler. La façon de le tenir, l'angle d'attaque sur les cordes, la surface du plectre qui dépasse de la main etc... De plus, certains aspects techniques, comme le saut de corde, représentent un véritable challenge.

LE CHICKEN PICKING

Le chicken picking est une technique visant à combiner les avantages du jeu au doigts et ceux du jeu au médiator. Elle consiste simplement à utiliser le majeur, l'annulaire et l'auriculaire en complément du médiator et se combine parfaitement avec une technique de legato.

LES AVANTAGES ET LES INCONVÉNIENTS

Quelques guitaristes jouant au médiator : Martin Miller, Kirk Hamet, John Scofield, Al Di Meola, Birélie Lagrène, Slash, Tom Quayle (chicken picking)...

L'UTILISATION D' ONGLET

L'ONGLET DE POUCE

L'onglet de pouce est un médiator qui, comme son nom l'indique, s'accroche au pouce. Il est principalement utilisé en blues et en folk. Son utilisation permet d'accentuer les graves, joués normalement au pouce dans le jeu aux doigts. On l'utilisera en général en parallèle d'une technique de muting, ce qui permettra de donner aux graves un timbre se rapprochant de celui d'une basse, en voici un exemple :

LES ONGLETS SUR LES AUTRES DOIGTS

Beaucoup plus rarement, des onglets peuvent être utilisés sur les autres doigts (généralement l'index et le majeur). Il permettent de conserver une technique de jeu aux doigts à la main droite tout en ayant un son plus brillant et avec plus d'attaque, se rapprochant de celui d'un médiator. Ils évitent aussi d'avoir à entretenir ses ongles.

LES LIMITES DE L’ONGLET

Contrairement au jeu aux ongles, les onglets ne permettent pas du tout l'utilisation de la peau des doigts pour attaquer les cordes, ce qui limite la possibilité de nuances. De plus, ils empêchent le jeu en cordes butées (qui consiste à laisser reposer le doigt ayant attaqué un corde sur la corde inférieure).

Il peut également être difficile de trouver des onglets qui correspondent à la taille de nos doigts, et il ne ‹faut donc pas hésiter à en essayer plusieurs avant de faire un choix.

LES AVANTAGES ET LES INCONVÉNIENTS

Exemple de guitaristes jouant avec un ou plusieurs onglets :  Johnny Winter, Tommy Emmanuel Merles Travis, Brent Maison, Alain Giroux, Lorne Lofsky, Lenny Brau, Johnny Hiland...

EN CONCLUSION

Faire son choix peut-être difficile. Il nous faut nous interroger sur le style de jeu que l'on souhaite développer pour jeter son dévolu sur une technique en particulier. Cependant on gardera à l'esprit que généralement, le médiator est recommandé sur guitare électrique. Sur guitare classique, on aura plutôt tendance à se servir de ses ongles. Quant aux onglets, ils sont spécifiques à certains styles de musique, comme le blues ou le folk, sans être pour autant la méthode la plus utilisée. Enfin, gardons à l'esprit que ces techniques peuvent être complémentaires, il n'est ainsi pas rare de jouer l'introduction d'un morceau aux doigts pour ensuite utiliser un médiator.

 Rédacteur : Théophile
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