Les accords blues à la guitare

Je vous propose d’aborder un sujet que j’ai effleuré dans l’un de mes premiers articles il y a un certain temps sur les « accords jazz », à savoir les accords blues qui en font partie. Vous vous souvenez des accords 7 ou de dominante 7ème ? 

Aujourd’hui nous allons les travailler en profondeur, ainsi que quelques extensions. Un petit peu tombés en désuétude de nos jours, ils étaient jusqu’aux années 80 disons, présents un peu partout dans tous les styles : du blues lui-même au funk, au jazz, au rock, dans la pop, allant même jusqu’au Metal et au grunge. 

Vos profs de guitare vous auront probablement invité à les explorer car ils sont une pierre angulaire de l’histoire de la guitare moderne tout simplement, acoustique comme électrique. Ils ont une couleur très typée, et dès que vous en jouerez un , vous serez immédiatement projeté dans les années 50 à vouloir balancer tous les plans de guitare ultra-clichés qui vont avec. Ils sont d’ailleurs à ce sujet assez intéressants sur le plan de l’improvisation, mais ce ne sera pas le sujet du jour.

LES ACCORDS 7 : LES INCONTOURNABLES DU BLUES

Commençons par le commencement. Comme dit précédemment, les accords 7 sont les plus utilisés et représentent à eux seuls les 3/4 de ce qui compose le jeu de guitare blues, c’est in-con-tour-nable et je vous que vous les spammez. Avant de voir les positions, un petit point théorique. 

Les accords 7 sont des accords à 4 sons qui sont formés :

- de la tonique comme toujours qui donne son nom à l’accord

- d’une tierce majeure

- d’une quinte

- d’une 7ème mineure

Par exemple :

- un accord de Mi 7 sera composé des notes suivantes : Mi, Sol#, Si, Ré

- un accord de La 7  sera composé des notes suivantes : La, Do#, Mi, Sol

Ce qui lui donnera sa couleur caractéristique, ce sera l’intervalle de triton (3 tons) entre la tierce majeure et la septième mineure. C’est ce qui fait toute la tension présente dans ces accords, et qui pour la petite histoire a contribué à qualifier le Blues de « musique du diable » (sachant que cet intervalle était banni dans la musique par l’église quelques siècles auparavant pour les mêmes raisons).

Dans la pratique, les accords ne sont pas toujours joués « en bloc » - notamment dans le funk où l’on joue essentiellement dans les cordes aiguës -, mais c’est toujours sur cet intervalle que l’on va insister pour faire ressortir la « bluesitude » de notre jeu. Voici toutes les positions de base facilement transposables: 

LES ACCORDS 9 

Déjà nettement moins utilisés que les précédents, on les retrouve plus dans des styles types funk ou soul, mais la conception de base est la même, mais on va encore venir greffer une 9ème (ou seconde à l’octave du dessus) pour en faire un accord à 5 sons.

Dans la pratique on va souvent dégager la quinte de l’accord pour éviter de l'alourdir (et parce que c’est difficile de toute façon de faire autrement avec 4 doigts ^^) tout en préservant la couleur. Seulement 1 position à connaître pour ainsi dire, vous en avez de la chance :

LES ACCORDS 13 

On augmente encore d’un cran, last level. Bon ceux-ci ont une teinte plus jazzée, et seront plus délicats à mettre en application de par leur charge harmonique assez lourde - même si encore une fois on va faire abstraction d’une ou plusieurs notes.

Mes années de geekitude guitaristique vous suggèrent d’explorer des manières de les jouer de manière fragmentée en situation de groupe, plutôt dans une optique d’enrichissement dans un mélange accord-mélodie type John Frusciante ou Jimi Hendrix, ou en tant que notes-cibles dans vos impros, ça peut apporter quelques épices ça et là. 2 positions principales : 

L’ACCORD JIMI HENDRIX

 ...Et d’ailleurs puisqu’on en parle impossible d’omettre cet alien, tous accords confondus. Popularisé par le guitariste gaucher le plus connu notamment dans « Purple Haze » ou « Crosstown trafic » et repris jusqu’à Metallica, cet accord a la particularité de se constituer d’une tierce majeure ET d’une tierce mineure, toutefois plutôt considéré comme une neuvième augmenté (à l’oreille c’est pareil) d’où la notation par exemple E7#9. 2 positions.

Observez la similitude avec le schéma d’un accord 9, vous augmentez juste d’une case la dernière note :

LE « 12 BAR BLUES »

Le 12-bar blues est une progression d'accords type en 12 mesures, répétée tout au long d'un morceau. C’est la plus utilisée dans le blues et de manière générale dans plusieurs styles des années 50 : country, rockabilly, surf rock…. Jouée tant en majeur qu’en mineur. Si l’on s’intéresse à l’aspect théorique il s’agit généralement d’une formule basée sur les trois principaux accords d'une tonalité :

I (tonique) : Accord de base (ex. A7 en tonalité de La).
IV (sous-dominante) : Accord situé une quarte au-dessus (ex. D7 en tonalité de La).
V (dominante) : Accord situé une quinte au-dessus (ex. E7 en tonalité de La).

Il est souvent joué uniquement avec des accords 7e dominants pour donner un caractère bluesy, faisant apparaître quelques notes étrangères à la gamme initiale. De base on ne peut jouer un accord 7 que sur le Vème degré de la gamme.

Voici un exemple type d’un blues en Mi, imprégnez-vous en bien, il n’est pas exclu que vous le jouiez lors d’un bœuf un soir, mais vous le connaissez peut-être déjà d’oreille, tant il est utilisé :

| E7 | E7 | E7 | E7 | 

| A7 | A7 | E7 | E7 | 

| B7 | A7 | E7 | B7 |

On pourrait décortiquer la chose de manière suivante :

Mesures 1 à 4 : Déclaration du thème avec l'accord tonique (I).

Mesures 5 et 6 : Transition vers la sous-dominante (IV), créant une variation harmonique.

Mesures 7 et 8 : Retour à la tonique (I).

Mesures 9 à 12 : La dominante (V) introduit une tension, résolue par la tonique (I) à la fin.

Un point important si vous voulez sonner blues et pas rock sera de jouer en shuffle ou ternaire. En ternaire, le temps est divisée en 3 au lieu de 2, c’est ce qui donne cet aspect « long-court, long-court » tout le long du morceau, au lieu d’un ressenti « tic-tac, tic-tac ». En anglais, on parlera d’un « pushed-up feeling ».

Conclusion

Apprendre les accords blues à la guitare, c’est s’immerger dans l’histoire et l’essence même de cet instrument. Ces accords sont à la base de nombreux styles musicaux, du rock au jazz, en passant par le metal et permettent de développer une compréhension approfondie des progressions harmoniques.

Ils offrent également une opportunité d’explorer le ressenti et l’improvisation, deux éléments centraux du jeu de guitare. Maîtriser ces accords, c’est non seulement enrichir son jeu, mais aussi se connecter à une tradition musicale riche et intemporelle.

Rédacteur : Alexandre Ziboni