Nevermind, l'album le plus Nirvanesque de Nirvana !

Le contexte.

On est au début des années 90. Avant ça, les radios chauffaient d’une part sur du Glam rock pop new wave comme The Cure, Duran Duran, Pet Shop Boys ou encore sur du heavy à la Maiden, Mötley Crüe, Def Leppard ou Judas Priest. Et faut dire que comme à chaque tranche de 10 ans (comme si les modes se dictaient par blocs temporels...), ces mouvements s’essoufflent, les perfectos se fourrent dans les armoires et les coupes deviennent moins… excentriques.
Un contexte de ras-le-bol dans un monde en constante accélération technologique et industrielle ; la Chine s’ouvre au monde, la mondialisation sort de toutes les bouches, internet surgit et c’est le temps de la réussite sociale, financière. Epoque d’un sprint effrénée à un idéal. Mais lequel et à quel prix ?

Un homme et un groupe vont porter toute une génération de rejet à cette société. Nevermind, en est sans doute l’exemple le plus frappant. C’est le premier album avec Dave Grohl à la batterie et le moins que l’on puisse dire, c’est que cet apport s’entend. La batterie est sauvage, instinctive et se brasse à merveille à l’univers du groupe. Mais passons à l’album, sorti le 24 septembre 1991 chez DGC Records (label de Sonic Youth notamment) et produit par Butch Vig.

L'album.

Smells Like Teen Spirit. Qui, mais qui ne connaît pas ce riff ? Cette intro et ce morceau montant en puissance représente le côté sec et sale du groupe où l’on fait du grunge violent, qui tâche, mais qui surgit avec force. Les paroles du Kurt oscillent toujours entre phrasés simplistes sur la condition d’un homme perdu et des mots improbables pour assurer sa rime. En gros, dès les premières secondes, on est dans le disque, et on est bien dedans. Imaginez-vous juste un instant la claque que ce single devait être à l’époque ! Encore aujourd’hui, il semble incroyablement moderne et toujours aussi sincère. C’est fou !

Et on enchaîne puisque In Bloom nous en remet une. Ça se déchaîne avec un son bien lourd en refrain, souligné par un ampli Mesa Boogie qui alourdit considérablement la guitare de Kurt, plus Dave qui en remet une couche avec sa batterie toujours aussi salement juste et en couplets plus « légers ». C’est aussi dans ce titre que ce dernier chante à merveille les harmoniques de Kurt… Bon, je vais vous avouer, faire une chronique de cet album par morceau pourrait constituer un bouquin entier. Je vais donc m’arrêter au morceau suivant pour ensuite parler plus globalement du « skeud ». Le morceau suivant, pas des moindres, c’est Come As You Are. On pourrait la définir comme étant une ballade, avec un riff qui tourne et qui est diablement simple. Ça tourne en nuances, la basse procure un sentiment d’enfermement, c’est doux, mais c’est aigre en même temps. Ce morceau, à plus d’un titre, est inclassable, c’est du Nirvana en toute splendeur et les paroles sont là pour en attester.

La suite de l’album n’a rien à envier aux premières. Oscillant constamment entre puissance crade mais tellement instantanée à couplets plus calmes. Ici, Kurt est à l’apogée de sa technique de chant ; voix éraillée, énervée et ces textes sont encore plus acérés que dans Bleach. On sent que ces trois types sont là, ensemble, pour dire des choses et qu’ils ne le font pas pour plaire ou pour être « à la mode ». Ça parle de viol, de médicaments thymorégulateurs, de machos, d’amour/haine, bref, de thèmes qui ne passent pas partout, mais qui ont le mérite de sortir avec virulence des sentiers battus. Musicalement parlant, Nevermind – et Nirvana de manière générale, d’ailleurs – n’est pas un album de virtuose. On pousse très loin le temps des guitares Heros des 80’s comme Vai, Malmsteen ou encore Van Halen. Pour autant, on remarque avec ce chef d’œuvre qu’est Nevermind qu’il ne suffit pas nécessairement de remplir de virtuosité une production pour la rendre complète, sincère, unique… Et c’est bien ce qui transparaît de cet album, une osmose hallucinante de bout à bout, une viscérale envie de dire des choses comme ils l’entendent. Franchement, c’est bon, ça fait du bien même si c’est sale, parfois dissonants mais à la fin tellement, tellement inimitable de justesse.

Nevermind transpire le mal-être d’un homme (et d’un groupe) qui pompe l’égocentrisme stupide de l’époque en le tournant en rejet dégoûté. C’est l’album d’un groupe. C’est l’album d’une vie, celle de Kurt qui a poussé jusqu’au bout le désarroi de ce qui l’entourait. Alors ? Qu’attendez-vous pour réécouter ce magistral album ?



Raffaele Cuccurullo