Le mode Phrygien
Il y a quelques temps, une série de cours sur les modes voyait le jour sur HGuitare. Et comme il est souvent admis que d’avoir les informations plusieurs fois aide à mieux les mémoriser, on s’est dit que c’était le moment de vous poser tout ça par écrit, via le blog. Dans cet article, nous allons commencer à parler et détailler du mode phrygien.
QU’EST-CE QUE LE MODE PHRYGIEN ?
Dans cet article, nous allons nous consacrer uniquement au mode Phrygien qui est un mode mineur de la gamme majeure et qui est le 3e mode de la gamme.
Bien évidemment, tous les principes et toutes les techniques d’utilisation des modes s’utilisent également pour ce mode-là.
Le mode phrygien est un mode relativement fréquemment utilisé, mais pas dans les mêmes contextes que le mode dorien. Comme c’est un mode mineur, il apporte cette touche plus nostalgique que les modes majeurs n’ont pas, mais il a une sonorité très sombre voire même hispanisante mais on développera ça plus tard.
On trouve le mode phrygien dans beaucoup de morceaux mais il est surtout connecté à certains styles : thrash metal, musique traditionnelle espagnole, jazz latin.
Son côté sombre est très intéressant pour le metal et il a un côté puissant et très coloré qui est typique de la musique espagnole. Certains y entendent même des sonorités arabisantes ce qui est explicable « harmoniquement » mais surtout historiquement.
Voici le mode phrygien dans des contextes de musiques connues :
On le retrouve dans le morceau Creeping Death (le riff du pont) :
Ou encore White Rabbit de Jefferson Airplane (morceau très sombre également) :
Dans un autre style, Solea de Paco DeLucia :
Pour rappel, dans la gamme majeure il y a 3 modes mineurs. Le locrien n’étant pas considéré comme un mode mineur car il a la quinte qui est diminuée. On le range donc dans les modes semi-diminués (tierce mineure et quinte diminuée).
Si vous souhaitez avoir des informations plus poussées sur les modes, rendez-vous dans le CURSUS SUR LES MODES que j’anime (présent dans le niveau intermédiaire des cursus).
COMMENT EST CONSTRUIT LE MODE PHRYGIEN ?
Nous allons maintenant voir toutes les fonctions des notes du mode et nous allons détailler leur pouvoir évocateur.
Décomposons donc ce mode note par note :
Détaillons donc ces fonctions et leur impact sur la couleur du mode :
➜ Une seconde mineure : note très importante car elle apporte le côté sombre et typique du phrygien. Cette note crée une dissonance avec la fondamentale car elles n’ont qu’un demi-ton d’écart mais justement cette dissonance donne une grande partie de la couleur du mode, vous comprendrez donc qu’elle est très importante, elle est même la note caractéristique du mode phrygien.
➜ Tierce mineure : cette note est bien évidemment extrêmement importante car elle définit le fait que le mode soit mineur (la quinte définit aussi) et c’est bien sur cette note que l’on voit/entend clairement la différence avec les modes majeurs que nous avons vu précédemment. La tierce mineure apporte le côté triste, un petit côté sombre.
➜ Quarte juste : qui maintient la structure du mode mais colore peu
➜ Quinte juste : qui est là pour apporter la « puissance » et éviter la dissonance
➜ Sixte mineure : c’est du déjà-vu si on compare au mode éolien que nous avons vu précédemment. Cette note ajoute une touche sombre au mode. Imaginez donc à quel point le mode phrygien peut avoir un côté sombre par cette note et la seconde mineure.
➜ Septième mineure : elle n’apporte aucune dissonance, elle est même plutôt agréable, plutôt douce.
Il est à remarquer un fait important : tierce mineure, quarte juste, quinte juste et septième mineure sont les notes qui constituent également la gamme pentatonique mineure (en rajoutant la fondamentale). Autrement dit, on peut jouer une gamme pentatonique mineure ayant le IIIe degré de la gamme majeure comme fondamentale.
Si vous préférez, on peut dire qu’on peut jouer une gamme pentatonique mineure en partant du IIIe degré.
Pour faciliter la mémorisation du mode phrygien à la seconde, la tierce, la sixte et la septième qui sont mineures, autrement dit tout ce qui peut être mineur est mineur quant au reste les intervalles sont justes (quarte et quinte justes).
Ça a été mentionné au-dessus mais la note caractéristique du mode Phrygien est la seconde mineure. Cette note apporte le côté sombre (mais pas dramatique) du mode. Ce côté « sombre » vient du fait qu’elle est un demi-ton après la fondamentale. Cet intervalle crée une légère dissonance bien typique. C’est ce même écart que l’on entend souvent dans la musique espagnole (qui utilise souvent le mode phrygien) et qui lui apporte toute sa couleur
Pour vous aider prenons un exemple avec le mode de Mi Phrygien (qui sera nécessaire pour la suite de l’article).
Structure : Mi m / Mi m7
Superstructure : b2, 4, b6
Nous avons ici la même structure que le mode eolien, ce qui est tout à fait normal : comme nous l’avons vu, tous les modes mineurs de la gamme majeure ont la même structure. Et comme ils ont tous une quarte juste, une gamme pentatonique peut-être jouée sur chacun d’entre eux.
En triade, nous avons donc un accord mineur. On y entend la sonorité triste du mode. La structure en tétrade reste triste également mais la septième mineure adoucit beaucoup la sonorité, on est sur une couleur plus « pastel ».
La superstructure est beaucoup plus intéressante : nous avons donc une seconde mineure et une sixte mineure (la quarte reste juste), et c’est par ces notes que le mode prend sa dimension sombre mais presque fière.
Note : ici je tente, avec mes mots, de décrire au mieux les sensations ressenties lorsque je joue ou entends le mode phrygien. Évidemment, c’est une question de perception. N’hésitez pas à trouver vos propres mots, couleur pour les définir.
OUI, MAIS À LA GUITARE ?
Comme vu précédemment, ce mode est souvent utilisé. Metal, jazz latin, musique traditionnelle espagnole et d’autres styles bien sûr utilisent souvent ce mode. Il est très musical et sa couleur est très prononcée, ce qui le rend efficace à utiliser.
Par contre, contrairement au Dorien, je déconseille de l’utiliser au début en s’appuyant sur la penta, ça risque d’effacer sa couleur.
Avec simplement une note qui résonne derrière il peut sonner un peu « espagnol » et dans un contexte un peu plus travaillé, il se révèle très riche.
Voyons les positions des triades mineures et des tétrades. D'abord les triades :
Et maintenant les tétrades :
Au niveau des formes d’accords, forcément les choses changent car la structure a changé.
On retrouve les formes de Do, La, Sol, Mi et Ré (principe issu du CAGED system) mais comme les tierces changent, les accords changent également. Chaque tierce présente sur chaque forme va descendre d’un demi-ton par rapport à la tierce dans la forme majeure. (Attention la forme de Do et celle de Sol contiennent 2 tierces).
J’ai dû faire un choix pour jouer ces accords, certaines cordes ont dû être évitées, bien évidemment vous pouvez choisir d’en éviter d’autres et obtenir d’autres « formes » mais assez proches de celles que je vous propose.
Elles sont choisies pour être toutes jouables sur votre guitare, avec plus ou moins de facilité. N’oubliez pas que ces formes peuvent être tronquées pour obtenir des formes plus simples à jouer.
Je vous propose de voir les formes complètes ici, pour mémoriser les notes de l’accord :
Pour rappel : en rouge, vous avez la fondamentale (donc Mi), « p5 » c’est la quinte juste (perfect 5th), b3 signifie tierce mineure et b7 signifie 7e mineure.
Maintenant, je vous propose de voir toutes les notes du mode phrygien de mi, le premier diagramme montre les notes sur la première moitié du manche (du sillet de tête à la 12e case).
La fonction de chaque note est notée dans le rond. Le rond rouge (avec le F dedans) signifie que c’est la fondamentale soit Mi pour un Mi Phrygien.
Nous allons maintenant appliquer tout cela sur une petite technique :
Nous allons faire résonner (et répéter) la corde de Mi grave, nous allons partir d’une octave au-dessus (donc case 7, corde de La) et jouer avec les notes du mode pour le faire sonner.
Vous connaissez maintenant le fonctionnement, pour rappel cherchez à bien écouter chaque note et voir ce qu’elle peut vous apporter.
Pour ça voici un diagramme des notes que nous allons utiliser :
Voici une vidéo où j’applique l’exercice :
Avec cette technique, la couleur du mode ressort beaucoup plus, il est très intéressant dans cet exercice de s’arrêter sur chaque note et d’écouter son apport musical, avoir un avis « critique » mais surtout musical sur chaque note que vous jouez.
Comme dit précédemment, il sera intéressant de comparer les notes de ce mode, avec celles qui vont différer dans les prochains modes que nous étudierons. Pensez à essayer de créer des riffs, des mélodies et autres, ce qui vous permettra d’être plus à l’aise avec le mode.
QU’EST-CE QUE LE PHRYGIEN ESPAGNOL ?
Voici une des spécificités du mode phrygien que je trouve extrêmement intéressante et tout aussi riche. Le phrygien espagnol n’est pas techniquement un mode car il va y avoir 2 tierces.
Le phrygien possède une ambiguïté de tierces (chose que l’on retrouve dans le mixolydien), c'est-à-dire qu’il peut tolérer une tierce majeure alors qu’il a déjà une tierce qui est définie et elle est mineure. C’est dû à son cousin le phrygien majeur (qui lui a une tierce majeure) et au fait que sa structure (à ce dernier) est un accord 7 (comme dans le blues).
Là j’avoue ce n’est pas encore très clair mais pour faire très simple, le phrygien espagnol est un « mode » qui permet l’utilisation de 2 tierces et on le retrouve beaucoup dans un cas bien précis : un accord majeur joué dans l’harmonie mais la mélodie qui joue un phrygien (mineur donc). Autrement si vous avez un Mi Majeur en fond vous pouvez jouer par-dessus le mode de mi phrygien (comme on l’a vu dans le cours) et vous allez voir que ça sonne très hispanisant. Ça en est même grisant !
On peut l’exploiter différemment mais il s’avère que c’est la façon de faire la plus répandue (et la plus efficace), je vous invite donc à essayer ne serait-ce que pour le plaisir de générer ces couleurs si typiques !
COMMENT JE SAIS QUELLE GAMME J’UTILISE ?
Pour rappel, pour trouver la gamme il faut trouver la fondamentale du 1er degré car c’est le note qui porte le nom de la gamme.
Donc nous sommes en Phrygien soit dans le IIIe degré. Dans le cas que nous utilisons dans cet article nous sommes en Mi Phrygien.
Il nous faut donc remonter les notes de la gamme pour arriver au 1er degré. Rappelez-vous le squelette de la gamme majeure :
1 : C’est pour 1 ton (2 cases)
½ : C’est pour ½ ton (1 case)
Donc si on applique à l’exemple on a :
IIIe degré : Mi
IIe degré : Ré
Ier degré : Do
CONCLUSION
Donc, pour résumer, un Mi Phrygien c’est une gamme de Do Majeure jouée sur un Mi qui est soit répété ou qui résonne.
Maintenant, faites-vous votre propre avis en pratiquant ce mode !
Bon travail à vous.
Rédacteur : Sophian Alkurdi