Le mode Locrien
Fin de cette série sur les modes ! Et pour terminer, parlons du dernier mode de la gamme majeur : le mode locrien. Vous le verrez, le moins que l'on puisse dire, c'est que le mode locrien est... particulier.
QU’EST-CE QUE LE MODE LOCRIEN ?
Dans un précédent article, nous avons défini le mode phrygien, pour rappel c’est le mode du IIIe degré de la gamme majeure. Nous avons pu voir que le phrygien est assez utilisé, très riche et très intéressant.
Dans cet article nous allons nous consacrer uniquement au dernier mode de la gamme majeure, le mode Locrien. C’est un mode à part, il n’est pas majeur et pas mineur, il est semi-diminué (nous détaillerons après pourquoi).
Bien évidemment, tous les principes et toutes les techniques d’utilisation des modes s’utilisent également pour ce mode-là.
Le mode locrien est un mode rare. Nous y reviendrons, mais il n’est pas très beau et il est dur à faire sonner. Il n’est pas un mode mineur (même si on le confond souvent), c’est un mode semi-diminué ce qui veut dire qu’il a une tierce mineure (comme les modes dorien, phrygien et éolien) mais lui, en revanche, a une quinte diminuée, ce qui change beaucoup de choses.
Pour être tout à fait honnête, je n’ai jamais entendu ce mode dans un morceau (je parle ici spécifiquement du mode locrien et pas d’autres modes locriens qui n’appartiendraient pas à la gamme majeure).
J’ai essayé d’en sortir quelque chose et ça n’a rien donné d’intéressant. Mais, il reste cependant intéressant à connaître et à analyser pour mieux comprendre les autres modes.
On pourrait le définir comme très sombre voire même dissonant … Je manque d’adjectifs pour le définir car je n’ai pas passé beaucoup de temps à essayer de le faire sonner.
Pour rappel dans la gamme majeure, il y a 3 modes mineurs, le locrien n’est pas considéré comme un mode mineur car il a la quinte qui est diminuée donc on le range dans les modes semi-diminués (tierce mineure et quinte diminuée). Il est le seul mode semi-diminué de la gamme majeure MAIS ce n’est pas un mode mineur malgré sa tierce mineure.
COMMENT EST CONSTRUIT LE MODE LOCRIEN ?
Encore une fois nous allons voir toutes les fonctions des notes du mode et nous allons détailler leur pouvoir évocateur.
Décomposons donc ce mode note par note :
Détaillons donc ces fonctions et leur impact sur la couleur du mode :
- Une seconde mineure : note que l’on a déjà vu dans le phrygien. Elle apporte un côté sombre et très typique mais vous verrez que dans le cas du locrien elle est plus dure à faire sonner correctement. Cette note crée une dissonance avec la fondamentale car elles n’ont qu’un demi-ton d’écart.
- Tierce mineure : c’est cette note que l’on voit/entend clairement la différence avec les modes majeurs que nous avons vu au début. La tierce mineure apporte le côté triste, un petit côté sombre.
- Quarte juste : qui maintient la structure du mode mais colore peu
- Quinte diminuée : là, nous arrivons sur du nouveau … la quinte juste est « naturelle » à l’oreille, la quinte diminuée est fortement dissonante. Elle crée d’ailleurs avec la fondamentale un intervalle que l’on appelle le triton (3 tons ou 6 demi-tons), qui est un intervalle fortement dissonant. (Certains l’appelaient même l’intervalle du diable et il a longtemps été associé à cette idée. Cet intervalle se retrouve d’ailleurs fréquemment dans le blues qui utilise des accords 7 donc avec un triton entre la tierce majeure et la septième mineure).
Cette note est la note caractéristique du mode locrien. Et c’est bien à cause d’elle que ce mode est dur à faire sonner.
ATTENTION : tous les modes avec des quintes diminuées ne sont pas aussi durs à faire sonner !
- Sixte mineure : c’est du déjà-vu, cette note ajoute à ce côté triste/sombre mais cette fois elle frotte moins avec la quinte car cette fois comme elle est diminuée (la quinte) il y a 1 ton d’écart entre les 2 notes.
- Septième mineure : elle n’apporte aucune dissonance, elle est même plutôt agréable, plutôt douce.
Pour insister sur le fait que nous ne sommes pas sur un mode mineur mais bien sur un mode à part, si vous vous souvenez bien dans les modes mineurs que nous avons vu (donc les 3 modes mineurs de la gamme majeure) nous pouvions utiliser une gamme pentatonique mineure. Ce n’est pas le cas ici, et toujours à cause de cette quinte.
Pour faciliter la mémorisation du mode locrien à la seconde, la tierce, la sixte et la septième qui sont mineures, la quinte qui est diminuée et seule la quarte est juste (son état par défaut).
Ça a été mentionné au-dessus mais la note caractéristique du mode locrien est la quinte diminuée. Je n’aime pas ce mode donc je ne peux pas dire de choses positives dessus mais je vous invite à l’expérimenter ne serait-ce que pour vous faire votre propre idée. Jouer beaucoup avec cette note (la fameuse quinte) puis essayer de l’éviter. Vous pourrez remarquer que dans le second cas, le mode est moins « moche ».
Pour vous aider, prenons un exemple avec le mode de Mi Locrien (qui sera nécessaire pour la suite de l’article).
Structure : Mi m (b5) / Mi m7 (b5)
Superstructure : b2, 4, b6
Nous avons ici une toute nouvelle structure. Cette quinte diminuée change complètement la donne et c’est bien normal car elle est la note caractéristique du locrien. J’ai déjà insisté sur sa dissonance et sur son côté « moche » (dans le contexte de ce locrien), gardez ça en tête pour la suite.
La superstructure est beaucoup plus intéressante : nous avons donc une seconde mineure et une sixte mineure (la quarte reste juste), et si vous avez de bons souvenirs, vous vous rappellerez que c’est exactement la même structure que le mode phrygien. Nous avons donc quasiment le même mode que le phrygien, seule cette quinte change et quand vous le testerez (car il faut que vous le testiez … même un peu) vous remarquerez que le phrygien peut sonner facilement et être intéressant à faire sonner mais que le locrien s’écrase et ne sonne pas (si vous arrivez à le faire sonner, je serai heureux d’écouter ce que vous avez pu en faire).
OUI MAIS A LA GUITARE ?
Comme vu précédemment ce mode est très rarement utilisé. Il est très très, TRES dur de le trouver dans des morceaux. Nous allons le voir comme les autres modes mais je vous invite juste à l’essayer et à passer plus de temps sur les modes que nous avons vu précédemment.
Voyons les positions des triades mineures et des tétrades :
Au niveau des formes d’accords : forcément les choses changent car la structure a changé.
On retrouve les formes de Do, La, Sol, Mi et Ré (principe issu du CAGED system) mais comme la quinte change, les accords changent également. Chaque quinte présente sur chaque forme va descendre d’un demi-ton par rapport à la quinte dans la forme mineure.
J’ai dû faire un choix pour jouer ces accords, certaines cordes ont dû être évitées, bien évidemment vous pouvez choisir d’en éviter d’autres et obtenir d’autres « formes » mais assez proches de celles que je vous propose.
Elles sont choisies pour être toutes jouables sur votre guitare, avec plus ou moins de facilité. N’oubliez pas que ces formes peuvent être tronquées pour obtenir des formes plus simples à jouer.
Je vous propose de voir les formes complètes ici, pour mémoriser les notes de l’accord :
Pour rappel : en rouge, vous avez la fondamentale (donc Mi), « b5 » c’est la quinte diminuée), le triangle suivi de b3 signifie tierce mineure et b7 signifie 7e mineure.
Maintenant, je vous propose de voir toutes les notes du mode locrien de mi, le premier diagramme montre les notes sur la première moitié du manche (du sillet de tête à la 12e case).
La fonction de chaque note est notée dans le rond. Le rond rouge (avec le F dedans) signifie que c’est la fondamentale soit Mi pour un Mi Locrien.
Nous allons maintenant appliquer une des techniques que j’avais décrite dans le premier article sur les modes, nous allons faire résonner (et répéter) la corde de Mi grave, nous allons partir une octave au-dessus (donc case 7, corde de La) et jouer avec les notes du mode pour le faire sonner.
Vous connaissez maintenant le fonctionnement, pour rappel cherchez à bien écouter chaque note et voir ce qu’elle peut vous apporter.
Pour ça voici un diagramme des notes que nous allons utiliser :
Voici maintenant une vidéo où j’applique l’exercice :
Avec cette technique la couleur du mode ressort beaucoup plus, il est très intéressant dans cet exercice de s’arrêter sur chaque note et d’écouter son apport musical, avoir un avis « critique » mais surtout musical sur chaque note que vous jouez. Comme dit précédemment, il sera intéressant de comparer les notes de ce mode, avec celles qui vont différer dans les prochains modes que nous étudierons. Pensez à essayer de créer des riffs, des mélodies et autres, ce qui vous permettra d’être plus à l’aise avec le mode.
COMMENT JE SAIS QUELLE GAMME J’UTILISE ?
Pour rappel, pour trouver la gamme il faut trouver la fondamentale du 1er degré car c’est le note qui porte le nom de la gamme.
Donc nous sommes en locrien soit dans le VIIe degré.
Dans le cas que nous utilisons dans cet article nous sommes en Mi Locrien.
Il nous faut donc remonter les notes de la gamme pour arriver au 1er degré. Rappelez-vous le squelette de la gamme majeure :
1 : C’est pour 1 ton (2 cases)
½ : C’est pour ½ ton (1 case)
Dans le cas du mode locrien, il est plus intéressant de monter d’un demi-ton vers la fondamentale que de descendre les 6 autres degrés jusqu’à elle (imaginer le squelette comme un cercle, c’est plus facile de visualiser comme ça).
Donc si on applique à l’exemple on a :
VIIe degré : Mi
Ier degré : Fa
Donc pour résumer un Mi Locrien c’est une gamme de Fa Majeure jouée sur un Mi qui soit répété où qui résonne.
Maintenant, faites-vous votre propre avis (j’avoue être très curieux par vos retours sur ce mode).
Ce mode clôt cette série de 8 articles sur les modes de la gamme majeure. Je vous invite à revoir les autres articles et n’oubliez pas qu’il y a une section sur HGuitare qui parle des modes (avec des exemples très concrets).
Bon travail à vous !
Guitariste et rédacteur : Sophian Alkurdi