La (petite) histoire du Rock #5 : Le Punk Rock
Dans cette série d'articles consacrés aux différents styles du rock, je me suis fixé pour objectif de vous fournir toutes les clefs en main pour devenir incollable sur le sujet.
La dernière fois, nous avons fait la connaissance d'une bande de bad boys à forte pilosités, adeptes de saturation extrêmes et de riffs plombés... Aujourd'hui, nous allons croiser des jeunes vauriens qui ont pris un malin plaisir à donner un grand coup de pied au derrière du rock : j'ai nommé les punk rockeurs !
LE PUNK ROCK, UNE HISTOIRE D'EPINGLE A NOURISSE ET DE CRETE D'IROQUOIS
Au milieu des années 70, le rock est aux mains de super rockstars qui remplissent les stades et se pavanent avec leur groupies dans des cadillacs.
D'un côté, les gloires du hard rock et du heavy metal (Led Zeppelin, Aerosmith, Van Halen...), à la virtuosité époustouflante et aux coupes de cheveux toujours plus audacieuses.
De l'autre, les musiciens du rock progressif (Pink Floyd, Genesis, Yes...), qui se vautrent dans des improvisations pompeuses, parfois à la limite du mauvais goût. Et au milieu, les dinosaures du rock (Stones, Paul McCartney...), toujours vaillants !
Mais le monde est entré dans une phase sombre. L'insouciance de l'ère hippie s'est envolée. Les Trente Glorieuses et leur croissance économique de rêve ont laissé place à une époque d'incertitude, coincée entre chocs pétroliers, montée du chômage et graves problèmes sociaux.
Une partie de la jeunesse prolétaire ne se reconnait plus dans ce rock de milliardaire qui sature les ondes. Elle aspire à un son plus rapide, plus brut, plus hargneux : un son qui lui ressemble !
Ces gamins vont se faire connaitre sous le nom de "punk", un mot particulièrement péjoratif de la langue anglaise. Leurs vêtements déchirés et leurs cheveux multicolores feront d'eux les cafards post-apocalyptiques rampant sur les ruines du monde de l'après-guerre atomique !
Grâce à leur idéologie "do it yourself" ("fait le toi-même") qui encourage l'auto-production, l'auto-distribution et l'auto-promotion via les fanzines, ils vont, en marge du mainstream et des grandes maisons de disque, constituer une véritable cinquième colonne qui va sérieusement ébranler l'industrie musicale.
Mais le punk n'est pas sorti du néant. Au contraire, il est né d'un long cheminement. Dès le milieu des sixties, certains groupes de la British Invasion (The Rolling Stones, The Who, The Kinks) et du garage (13th Floor Elevator, The Troggs, The Sonics, The Velvet Underground) avaient déjà semé les graines de la discorde.
Et au début des années 70, quelques artistes de glam rock (The Stooges, MC5, New York Dolls, David Bowie période Ziggy Stardust) avaient enfoncé le clou, glorifiant le mal-être adolescent et envoyant paître le "peace & love" écoeurant des hippies à coup de riffs saturés !
Mais il faudra attendre le milieu des seventies pour que le punk rock véritable arrive à maturation. Ce bouton d'acnée bien mûr à explosé de manière quasi simultanée en deux endroits différents : New York (The Ramones, Johnny Thunders & The Heartbreakers, Richard Hell, Patti Smith, Dead Boys et les artistes se produisant dans le club CBGB...) et Londres (The Sex Pistols en tête, suivi de The Clash, The Damned, Siouxsie & The Banshees, Generation X, The Buzzcocks...).
Alors que le punk rock de New York est plutôt intello et branché, celui de Londres fleure bon la bière bon marché et la Doc Marteens usée :) Le punk anglais des origines est particulièrement virulent et veut faire table rase du passé. Il ne recule devant aucune provocation pour se faire entendre : les Sex Pistols, notamment, déclencherons de nombreux scandales (notamment en s'en prenant à l'image de la reine d'Angleterre ou en portant des t-shirt à croix gammée...).
La confrontation entre les artistes et le public fait également partie du jeu, et il n'est pas rare que les concerts dégénère en pogo (une danse particulièrement virile qui consiste à sauter sur place tout en bousculant violemment son entourage), lancer de canettes, concours de crachats, voire bagarre générale !
Alors que pointe les années 80, le mouvement punk se radicalise encore en Amérique, avec l'apparition du hardcore et de ses musculeux disciples (Black Flag, Bad Brains, Dead Kennedys, Misifts, Minor Threat, Agnostic Front...), qui n'hésitent pas à proposer des morceaux de parfois seulement 40 secondes, mais d'une intensité à couper le souffle !
En Angleterre, au contraire, les choses s'adoucissent un peu : les punks commencent à délaisser les crètes d'iroquois et les épingles à nourisse pour se parer de vêtements noirs corbeaux, et intégrer synthés et boites à rythmes à leurs oppressantes compositions, ce qui donne naissance au mouvement gothique/batcave (Bauhaus, Virgin Prunes...), au post-punk (Joy Division, The Cure...) et à la new wave (Depeche Mode, Visage, Duran Duran...).
Pendant ce temps en France, la scène alternative secoue quelques esgourdes (Stinky Toys, Metal Urbain, Asphalt Jungle, Bérurier Noir, Taxi Girl, Les Sales Majestés...), mais peine à sortir de l'underground, à de rares exceptions.
Dans les années 90, le punk rock originel a presque entièrement disparu. Il survit néanmoins aux USA sous une forme hybride, par le biais du grunge (Nirvana, Mudhoney, The Melvins...). Cette musique sans concession, qui mélange heavy metal et punk rock, exorcice violemment les démons de l'Amérique de Reagan et de Bush, ainsi que le mal-être d'une génération X privée de repères.
Le grunge constituera le dernier style à véhiculer d'authentiques valeurs punk rock (éthique du Do It Yourself, égalité homme-femmes, sensibilité anarchiste...), du moins à ses débuts, avant d'être récupéré comme phénomène de mode...
Au tournant des années 2000, le maintream semble avoir définitivement gagné la bataille : le pop-punk (Green Day, Sum 41, Blink 182, Avril Lavigne...) envahi les ondes et remet au goût du jour les codes vestimentaires du punk auprès des adolescents, mais sous une forme commerciale et aseptisée, totalement déconnectée de l'esprit de la musique d'origine...
Heureusement, le punk rock véritable n'est pas mort ! Il est juste retourné à son point de départ : dans l'underground des petits clubs obscurs fréquentés par quelques initiés.
UN RAPIDE REGARD SOUS LE CAPOT
Passons à présent à un peu de théorie musicale !
Rythmiquement, le punk rock reste fidèle au sacro-saint rythme binaire en 4/4, utilisé depuis des lustres dans le rock'n'roll, le British beat et le hard rock. La différence notable va se situer dans la façon d'exécuter ce rythme.
Avec le punk, adieu la nuance et adieu les syncopes ! On oublie aussi le headbanging du hard rock : ici, la rythmique est exécutée sur les chapeaux de roue, à un tempo rapide qui donne une sensation d'urgence aux morceaux du genre.
Sur le plan harmonique, le punk prone un retour aux sources : la plupart des artistes de ce mouvement vouent en effet un véritable culte aux pionniers du rock'n'roll, au rockabilly et à la musique surf des années 50 et 60. Cela se traduit par une utilisation massive des trois accords majeurs de la tonalité (les degrés I, IV et V). De temps à autre, on peut aussi utiliser un ou deux relatifs mineurs, comme dans les ballades rétro (quelqu'un à dit Phil Spector ?). Le but recherché est la simplicité et l'authenticité.
Seule exception notable, le style grunge, qui se démarque par une utilisation fréquente d'accords extérieurs à la tonalité, qui contribuent à donner une couleur particulièrement tourmentée aux compositions.
Au niveau de la structure des morceaux, le punk reste la plupart du temps fidèle à la formule couplet-refrain des chansons de pop-rock traditionnelles. En revanche, il a tendance à reléguer aux oubliettes les intros, ponts, et surtout solos instrumentaux, jugés inutiles et prétentieux.
On note de ce fait une propension aux morceaux courts (souvent moins de 2 minutes), voire réduits à leur plus simple expression dans certains styles comme le hardcore.
ET AU FAIT, ON PARLE DE QUOI DANS LES CHANSONS ?
Dans le punk rock, on se plait à aborder des thèmes liés à la confrontation !
De nombreux artistes du genre sont politisés, et évoquent dans leurs chansons les grands problèmes de société : chômage, crise économique ("London Calling" des Clash), capitalisme, montée des extrêmes, violences faites aux femmes, réchauffement climatique, sida...
Certains n'hésitent pas à traiter de sujets dérangeants, voire tabous : avortement ("Bodies" des Sex Pistols), sexualités déviantes, idées blasphématoires, génocides...
D'autres artistes prennent le parti inverse : celui de traiter au contraire de sujets légers, voire volontiers crétins, qui font directement référence à la vie quotidienne d'une jeunesse désoeuvrée en proie à un ennui abyssal ("Now I want to sniff some glue" des Ramones).
Enfin, certains punks, en particulier ceux de la scène de New York dans les années 70, peuvent parfois traiter de thèmes sentimentaux. Mais la plupart du temps, il s'agit d'amours contrariés, impossibles, et générateurs de souffrance.
De manière générale, les mots utilisés dans les paroles des chansons punk rock sont courts et percutants, et volontiers argotiques, voire crus.
LE GROUPE TYPE ET TYPÉ DE PUNK ROCK
A présent, nous allons nous amuser à créer de toute pièce un groupe de pastiche punk !
Dans le punk, la virtuosité est un gros mot. Vous pouvez donc sans problème vous contenter de musiciens ayant des compétences minimales :)
Il vous faudra donc :
- UN BATTEUR
Qui jouera sur un kit de batterie réduit. Sa frappe devra être lourde et sèche, et il devra jouer à un tempo très rapide, un peu comme s'il était pressé d'en finir !
- UN BASSISTE
Qui utilisera n'importe quel modèle de basse, si possible avec des cordes anciennes, afin d'avoir très peu de résonance. Il jouera des motifs simplistes et répétitifs, essentiellement calqués sur la partie de guitare. Afin de jouer plus rapidement les double croches, il se servira volontiers d'un médiator. Et pour étayer un son un peu maigrichon, il n'hésitera pas à enclencer une pédale de distortion ou de fuzz, transformant ainsi sa basse en réacteur d'avion hurlant !
- UN GUITARISTE
Ici, le but recherché est d'obtenir un mur de guitare criard et agressif, qui agresse les oreilles et occupe une large partie du spectre de fréquences ! Pour cela, le guitariste utilisera une pédale de distortion qu'il poussera dans ses derniers retranchements, afin d'obtenir un son d'abeilles furieuses ! Il jouera essentiellement des rythmiques en aller-retour à base de power chords ou d'accords barrés, en utilisant de temps à autre des chromatismes pour faciliter la transition d'un accord à un autre. Le jeu doit être hargneux et peu appliqué, avec le punk rock nous ne sommes pas au royaume de la finesse.
Le guitariste évitera de jouer des solos : si vraiment il veut en faire un, il se servira d'une gamme pentatonique mineure qu'il travaillera de manière minimaliste en double stops et en bends, à la manière des rockeurs des années 50.
Enfin, il est de bon ton que le guitariste assure aussi des choeurs virils et emméchés, pour soutenir le chanteur !
- UN CHANTEUR
Qui devra être aussi survolté qu'une pile électrique et aussi incontrolable et imprévisible qu'un aliéné échappé d'un asile ! Ce délinquant juvénile misera tout sur son attitude autodestructice et devra ne reculer devant aucune provocation. Au niveau vocal, on ne lui demande pas des miracles : un chant nasillard, peu appliqué et arrogant, ponctué de quelques hurlements, fera largement l'affaire.
Dans le registre post-punk et gothique, uniquement, il pourra se permettre de se calmer et d'utiliser sa plus belle voix caverneuse afin de se lancer dans une imitation convaincante de Bela Lugosi !
MUSICIENS OPTIONNELS (Uniquement dans un registre gothique ou new wave) :
- UN CLAVIERISTE
Qui jouera des parties de synthé typées années 80.
Voilà, c'est la fin de cette série d'articles consacrés à la (petite) histoire du rock'n'roll. J'espère que vous aurez appris des choses, et surtout que vous vous serez bien amusés !
En 2017, le rock ne brille certes plus aussi fort que dans les années soixante, et quelques esprits chagrins concluent un peu trop vite à son décès.... Mais ils se trompent lourdement : il est toujours très populaire auprès d'une large partie des adolescents, qui se déplacent en masse aux concerts et forment des petits groupes partout dans le monde. Grâce à eux, la relève est assurée, et le rock a encore de beaux jours devant lui !
LONG LIVE ROCK'N'ROLL !
Rédacteur : Sylvain Peter